Théologie

LA LETTRE A DIOGNETE (env. 190/200 AP. JC)


I.0 Introduction

Dans ce travail, il sera en premier lieu, question de situer l’auteur et son ouvrage en faisant attention à la date, le lieu de composition et à la nature de cet ouvrage. Ensuite, nous relèverons les thèmes essentiels et nous nous appesantirons sur le thème clé : l’identité des Chrétiens. Une appréciation personnelle en une de la Contexualisation dudit thème précédera la conclusion

I.1 L’auteur et son ouvrage

La lettre est un ouvrage apologétique adressé à Diognète dont l’auteur est inconnu, la date et l’origine sont encore l’objet de discussions . La lettre est un témoignage de la foi : elle élève une réflexion sur les chrétiens, ce qui anime leur vie et leur façon d’être mais aucune allusion n’est faite à l’Ecriture. « L’auteur s’adresse aux païens, c’est pourquoi sans doute il ne cite pas l’Ecriture » . Elle a été découverte par un jeune latin, « Thomas d’Arezzo, venu étudier le grec dans la capitale byzantine » , en 1436 dans un manuscrit qu’un marchand de poisson de Constantinople voulait utiliser comme papier d’emballage, aujourd’hui, cette lettre n’existe plus, elle a été détruite lors du bombardement de Strasbourg par les prussiens le 24 août 1870 .

I.2 Ses thèmes essentiels

La première partie de cette lettre (Ch. I-IV) est une apologie contre les païens et les juifs : une critique du polythéisme et du judaïsme . La deuxième partie (Ch. V-VI) touche directement l’identité chrétienne. Sa thèse consiste à dévoiler le paradoxe de la société spirituelle chrétienne qui est dans le monde sans être du monde. Pour l’auteur de la lettre à Diognète, les chrétiens « sont des hommes comme tous les autres mais, par leur appartenance au Christ, ils sont déjà les citoyens du ciel. C’est pourquoi ils surpassent le monde dans leur être et leur agir, comme l’âme surpasse le corps.» La troisième partie (Ch. VII-VIII) décrit l’initiation au mystère : « Dieu invisible et bon » , le Verbe, l’amour par excellence du Père, qui renforce les chrétiens avec un courage jusqu’au don parfait de soi (martyre). Enfin la quatrième partie (Ch. IX-X) est une exhortation finale où on note l’importance accordée à la connaissance de foi et d’amour.

II.1 Qu’en est-il de « l’identité des chrétiens » ?

Après une critique concise du polythéisme et du judaïsme, l’auteur se concentre sur la présentation du christianisme. Dans sa perspective, celui-ci est loin d’être un ritualisme formel, car pour l’auteur Dieu n’a besoin de rien, ni de présents ni de sacrifices (III, 1-5). C’est pourquoi le christianisme est avant tout une manière de vivre spécifique à un groupe socio-religieux donné . « Les chrétiens ne sont pas un ‘peuple’, une race d’hommes particulière (…) que définirait une ethnographie plus ou moins pittoresque :langue, costume, habitat et coutumes spécifiques (…) une « troisième race » a coté des juifs et des païens … L’auteur à Diognète n’accepte pas de voir les chrétiens isolés en quelque sorte par leurs spécificité même, parqués en ghetto ; leur religion est universelle ; les chrétiens peuvent n’être, de fait, statistiquement, qu’une minorité dans la société humaine, dans le « monde » ; ils n’en représentent pas moins de droit une société universelle, immanente à l’univers entier. »

Leur manière de vivre dépasse celle de la chair. Ils sont obéissants aux lois établies, mais par leur genre de vie ils dépassent les lois (…) Ils demeurent sur terre où la naissance les a placés, mais ils restent citoyens des cieux. Toute terre étrangère est pour eux une patrie, et toute patrie est pour eux une terre étrangère. Ils prennent part à tous leurs devoirs de citoyens, mais sont considérés comme des étrangers(…) Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens des cieux .

Bref, les chrétiens sont dans le monde ce que l'âme est dans le corps (…) L'âme invisible est enfermée dans un corps visible; les chrétiens, eux aussi, sont dans le monde, mais leur piété reste invisible .

L'âme est enfermée dans le corps, mais c'est elle qui soutient le corps: les chrétiens, eux aussi, sont retenus dans le monde comme dans une prison, mais ce sont eux qui soutiennent le monde. L'âme immortelle demeure dans une tente mortelle, comme les chrétiens passent en pèlerins parmi les choses qui se gâtent, dans l'attente de l'incorruptibilité céleste.

II.2 Contexualisation

La lettre à Diognète insiste avec audace sur le fait que les chrétiens ne sont pas étrangers à la société d’alors, qu’ils ne sont pas en rupture avec elle. Mais la question se pose : les chrétiens peuvent-ils être de bons citoyens ? Oui, car l’auteur dit que bien qu’ils « demeurent sur terre où la naissance les a placés, ils restent citoyens des cieux (…) Ils obéissent aux lois établis et leur manière de vivre l’emporte en perfection sur les lois ». En tant que chrétiens, membres de la cites de Dieu et de la cité terrestre, nous devons en observer les lois. Nous avons l’obligation de participer à la vie de la société civile, l’état. Le principe est que ceux qui sont bénéficiaires des services offerts par l’état ont l’obligation de payer les impôts car Jésus lui-même le recommande : « A César, rendez ce qui est à César, et à Dieu ce qui à Dieu » (Mc 12, 17).

« Toute terre étrangère est pour eux une patrie, et toute patrie est pour eux une terre étrangère ». Le monde aujourd’hui est marqué par le flux migratoire des peuples, et par un pluralisme ethnique et culturel croissant. En tant que chrétiens africains dont la valeur d’hospitalité est encore une richesse vivante, la lettre à Diognéte nous invite davantage à surmonter l’indifférence et à effacer toutes sortes de discriminations : linguistique, raciale, tribale, culturelle… car nous sommes un peuple provenant de toutes les parties de la terre en pèlerinage vers la patrie définitive comme l’exprime le pape Jean – Paul II : « Toute la vie chrétienne (…) est comme un grand pèlerinage vers la Maison du Père. »

« L'âme invisible est enfermée dans un corps visible; les chrétiens, eux aussi, sont dans le monde, mais leur piété reste invisible ». Aux yeux du monde les chrétiens paraissent les mêmes, alors que dans leur cœur ils sont très différents. Ils ne se font pas remarquer ; ils suivent la même route tranquille et ordinaire que les autres mais, en réalité, ils s’efforcent de devenir des saints au ciel. Ils font tout leur possible pour se convertir, pour devenir semblable à Dieu, pour lui obéir, pour se discipliner, pour renoncer au monde. Cela, ils le font en secret, en secrète charité, et en secrète prière. Voilà des éléments qui constituent une vie cachée au fond du cœur ver la sainteté. Dans son enseignement, le Concile Vatican II souligne l’importance de la sainteté: « Tous les fidèles du Christ sont donc invités et obligés à poursuivre la sainteté et la perfection de leur état » . La Lettre à Diognète a montré la façon par laquelle la sainteté est vécue : dans le détachement du monde qui vient de l’amour pour le Christ et de l’attachement à lui, et ainsi, dans la participation au salut du monde qui le maintient.

III Conclusion

La pensé centrale de l’auteur de l’écrit à Diognéte se résume en une expression : les chrétiens sont « l’âme du monde ». Mais aujourd’hui dans ce monde sécularisé, relativisé, où existe encore une conception du christianisme et de notre rôle dans la société souvent complètement opposée à celle que l’ouvrage nous présent, et pire encore avec la crise actuelle (la pédophile) dans notre Eglise Catholique, est-ce que cette expression est encore crédible ? Nous répondons à l’affirmative. Nous pensons que, pour qu’elle soit ainsi, cette expression doit être mise en pratique. Il ne suffit pas de dire que les chrétiens sont l’âme du monde pour qu’ils le soient : cela doit être vécu malgré les faiblesses humaines ! Sans doute, le christianisme a un message qui peut offrir élan et dynamisme à nos sociétés aujourd’hui en recherche de sens et d’humanisation. Lorsque les chrétiens transmettent avec authenticité leur vision de la vie en communauté, du respect de chaque personne, de la possibilité d’une vie dans la justice et dans la paix, alors ils parviennent à être reconnus comme l’âme du monde. Ils peuvent devenir, humblement, ce souffle vital qui soutient la vie commune des hommes. « En un mot, ce que l’âme est dans le corps, c’est cela que les chrétiens sont dans le monde… »


BIBLIOGRAPHIE


BEATRICK Pierre, Introduction aux Pères de l’Eglise, éd. Institution St-Gaétan – Vicience (Italie) 1987, 350p

Constitution dogmatique sur l’Eglise « Lumen Gentium » n°42

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Les écrits des pères apostoliques, traduction de Cl. MONDESERT et notes de Fr. LOUVEL, t.III, Cerf, 1979, 112p

Lettre apostolique Tertio millennio adveniente du pape Jean- Paul II pour la Journée mondial des migrants.